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Chômage pour les autoentrepreneurs : le Conseil d'Etat veut un régime distinct

Sommaire

Le Conseil d’État a été saisi le 22 mars 2018 d’un projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Ce projet de loi a été modifié par cinq saisines rectificatives reçues les 30 mars, 5 avril, 10 avril, 13 avril et 18 avril 2018.

Le conseil d'Etat s'est prononcé le 26 avril sur le sujet, et notamment sur l’ouverture d’un revenu de remplacement pour les travailleurs indépendants privés d’activité.

Ce qu'il faut retenir : ne dites plus chômage, mais revenu de remplacement

Le projet de loi veut ouvrir le droit à un revenu de remplacement aux travailleurs indépendants. Ce revenu de remplacement serait assujetti à un certain volume de chiffre d'affaires et de durée d'exercice, ainsi qu'à des modalités de rupture d'activité. Ce revenu ne peut être une allocation chômage, car les indépendants ne cotisant pas pour ce droit, leur verser remet profondément en cause le principe d’égalité entre assurés d’un même régime. De plus, ce sont des syndicats de salariés qui négocieraient pour ce droit, ce qui n'est pas logique étant donné leur représentativité dans ce champ.

Cette piste n'est donc pas acceptable.

Le Conseil d'Etat propose donc de créer un régime particulier, non lié au régime d'assurance chômage. Ses règles seraient fixées par décret.

Le Conseil d'Etat valide en revanche les circonstances d'ouverture du droit :

  • les conjoints collaborateurs n'y auront pas droit
  • les mandataires sociaux révoqués non plus
  • les personnes ayant causé une faute de nature à interrompre les conditions légale d’exercice de leur activité n'y auront pas droit non plus

Ce que le Conseil d'Etat ne dit pas : comment seront traités les autoentrepreneurs ?

En revanche, le Conseil d'Etat n'a pas évoqué le sujet épineux des autoentrepreneurs. Aurélien Taché, le rapporteur de la loi (LREM), souhaite effectivement élargir l'indemnisation des indépendants aux autoentrepreneurs, les grands oubliés de la réforme. Soit, une indemnisation chômage forfaitaire de 800 euros en cas de cessation d'activité.

"J’aimerais beaucoup que ceux qu’on appelle les nouveaux indépendants, qui sont les plus exposés et les plus précaires, puissent eux aussi avoir cette allocation chômage. Aujourd'hui, quand vous êtes dans les VTC, quand vous êtes livreur ou autoentrepreneur d’une quelconque manière que ce soit, vous êtes souvent très exposé à de nouvelles formes de précarité. C’est la responsabilité de cette majorité de prendre en compte ces nouvelles précarités et d'y apporter des solutions. Je suis favorable à ce qu’on fasse évoluer les choses sur le texte pour qu’ils soient encore mieux couverts qu'avant".

Les autoentrepreneurs espèrent que la majorité tiendra les promesses du candidat Emmanuel Macron qui avait fait miroiter la mise en place d’un "droit universel" pour l’assurance-chômage.

Aujourd'hui, les autoentrepreneurs sont exclus de cette réforme : il faudrait imaginer une "liquidation judiciaire spéciale" pour ouvrir ce droit. Ce que le Conseil d'Etat n'évoque pas...

Le texte complet

50. Le projet de loi ouvre le bénéfice d’un revenu de remplacement aux travailleurs indépendants privés de leur activité professionnelle dans certaines circonstances (liquidation judiciaire, redressement judiciaire lorsque le plan de redressement prévoit le remplacement du dirigeant, divorce ou rupture du pacte civil de solidarité pour le conjoint associé d’un chef d’entreprise), lorsqu’ils répondent à des conditions de durée antérieure d’activité, de revenus antérieurs d’activité et de ressources.

51. Le projet du Gouvernement définit ce revenu comme une modalité particulière de l’allocation d’assurance. Le Conseil d’État considère que l’allocation créée par le projet de loi, qui n’est la contrepartie d’aucune cotisation sociale, est versée sous conditions de ressources et dont le montant et la durée d’attribution sont forfaitaires, ne présente pas les caractéristiques d’une allocation d’assurance, mais celles d’une prestation non contributive. En outre, le fait de placer dans un même régime d’assurance des salariés dont la rémunération est soumise à des cotisations sociales et des travailleurs indépendants qui ne sont assujettis à aucune cotisation soulève une difficulté sérieuse au regard du principe d’égalité entre assurés d’un même régime. Enfin, en confiant à la convention d’assurance-chômage le soin de définir les mesures d’application du revenu de remplacement des travailleurs indépendants, le projet du Gouvernement implique que ces mesures soient négociées par les syndicats de salariés, qui ne sont pas représentatifs dans ce champ.

52. Le Conseil d’État retient, en conséquence, et avec l’accord du Gouvernement, un autre schéma. Sans modifier les caractéristiques du revenu de remplacement créé en faveur des travailleurs indépendants privés d’activité professionnelle, il le définit comme un régime particulier distinct du régime d’assurance, inscrit dans le chapitre IV du titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail. De manière cohérente avec la nature d’allocation de solidarité de ce revenu, ses règles d’application sont fixées par décret en Conseil d’État, sauf en ce qui concerne les règles de coordination avec l’allocation d’assurance, qui sont fixées par la convention d’assurance-chômage.

53. S’agissant des circonstances ouvrant droit à l’allocation des travailleurs indépendants, le Conseil d’État estime que les différences de traitement opérées avec d’autres circonstances de privation d’activité professionnelle n’y ouvrant pas droit sont conformes au principe d’égalité, pour les motifs suivants.

En premier lieu, à la différence des conjoints associés, les conjoints collaborateurs ne peuvent jamais percevoir de rémunération pour leur activité professionnelle et ne sont donc pas susceptibles de remplir la condition de revenus antérieurs d’activité.

En deuxième lieu, la révocation ou le non-renouvellement d’un mandataire social constitue un risque de nature différente des difficultés économiques donnant lieu à la liquidation judiciaire ou au redressement judiciaire, inhérent à l’exercice des fonctions de dirigeant d’entreprise et de fait souvent couvert par des mécanismes d’assurance privée. Le législateur, à qui il appartient de définir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées pour mettre en œuvre le droit à des moyens convenables d’existence énoncé par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 (Conseil constitutionnel, décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, Loi de finances pour 2010, considérant 101), peut pour ces motifs décider de ne pas ouvrir le revenu de remplacement dans ces circonstances.

En troisième lieu, l’exercice de nombreuses activités indépendantes étant subordonné à l’attribution d’une autorisation administrative ou à l’inscription dans un ordre professionnel, le retrait d’une telle autorisation ou la radiation de l’ordre entraînent la privation d’activité professionnelle. Toutefois, ces décisions sont souvent causées par une faute de l’intéressé ou par le non-respect d’une condition légale d’exercice de l’activité. Le législateur peut réserver le bénéfice d’une prestation non contributive aux personnes dont la privation d’activité n’a pas été causée par une faute ou par le non-respect de la législation ou de la réglementation qui leur est applicable. En outre, lorsque le retrait d’une autorisation administrative ou la radiation d’un ordre professionnel entraîne une liquidation judiciaire, les personnes concernées sont susceptibles de bénéficier de l’allocation des travailleurs indépendants à ce titre.

Le Conseil d’État relève enfin que dans les hypothèses où la privation d’activité professionnelle d’un travailleur indépendant n’ouvre pas droit à la prestation, le droit à des moyens convenables d’existence n’est pas privé de garantie légale, les personnes concernées ayant droit au revenu de solidarité active (RSA) dans les conditions de droit commun.

https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Les-avis-du-Conseil-d-Etat-rendus-sur-les-projets-de-loi/2018/Projet-de-loi-pour-la-liberte-de-choisir-son-avenir-professionnel-MTRX1808061L-27-04-2018

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Élément jointTaille
Icône PDF Avis Conseil d'Etat 27/04/2018445.37 Ko

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