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La Cour de Cassation refuse une requalification d'autoentrepreneur en salarié

Sommaire


Les faits : un autoentrepreneur collabore avec la société Languedoc Géothermie

Monsieur X. exerçait une activité commerciale en qualité d'auto-entrepreneur à compter du 1er mars 2009 au service de la société Languedoc géothermie.

L'intéressé avait un certain nombre d'éléments à faire valoir :


  • il travaillait dans le respect d'un planning précis établi par la société Languedoc géothermie

  • il était tenu d'assister à des entretiens individuels et à des réunions commerciales

  • la société Languedoc géothermie lui avait assigné des objectifs de chiffre d'affaires annuel

  • il lui était imposé, en des termes acerbes et critiques, de passer les ventes selon une procédure déterminée sous peine que celles-ci soient refusées.


Le calendrier juridique

Le calendrier est particulièrement chargé, car cette affaire est allée par deux fois devant la Cour de Cassation !


  • Le 16 mai 2011, la société était placée en liquidation judiciaire. Monsieur X. saisissait la juridiction prud'homale aux fins de requalification de sa relation avec la société en relation salariale

  • Le conseil de prud’hommes de Montpellier du 4 mars 2013 refuse la demande de requalification

  • La cour d’appel de Montpellier avait débouté l’autoentrepreneur

  • L’autoentrepreneur s’est pourvu en cassation, et la Cour de cassation dans un arrêt du 6 mai 2015 (13-27535) avait cassé l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier au prétexte qu'elle ne creusait pas en détails les conditions d'exercice

  • La cour d'appel de Montpellier rend un nouvel arrêt le 24 mai 2017, estimant que l'autoentrepreneur n'est pas salarié

  • La Chambre sociale de la Cour de cassation finit pas conclure comme la cour d'appel à une absence de lien de subordination (arrêt du 3 juillet 2019, N° de pourvoi: 17-21868)

  • L'affaire est renvoyée devant le tribunal de commerce.


L'analyse générale

La Cour de cassation relève bien entendu que

l’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à la convention, mais des conditions dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle ; qu’elle repose sur un lien de subordination caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné

Mais elle note également que l'analyse des faits doit avoir lieu en détails. Et quand elle voit passer pour la seconde fois le jugement de la cour d’appel, qui a examiné les conditions d’exercice de l’activité, par motifs propres et adoptés, elle ne peut que constater :


  • que l'autoentrepreneur gérait son emploi du temps, hormis des réunions et visites ponctuelles

  • qu’il ne recevait de la société aucun ordre ni directive précise

  • que les objectifs qui lui avaient été indiqués ne faisaient l’objet d’aucun contrôle et d’aucune sanction

  • que la présomption de non-salariat résultant des dispositions de l’article L. 8221-6 du code du travail s'appliquent (M. M... étant inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité d’auto-entrepreneur)

  • qu’elle a pu en déduire l’absence de lien de subordination.


L'analyse détaillée des indices

Ces indices sont donc repassés au crible de façon très précise et détaillée par la cour d'appel de Montpellier et par la Cour de cassation.

C'est d'ailleurs toute la force de cet arrêt, qui permet d'éclaircir un peu le flou habituel des indices et critères de requalification.

Voici un tri réalisé par nos soins selon les dires de l'arrêt :
















Plaide en faveur de la requalification

Plaide en faveur d'une relation contractuelle commerciale selon la Cour

Il travaillait dans le respect d’un planning mentionnant ses horaires de travail à compter du 8 septembre 2009

Le planning n'est pas quotidien mais correspond à moins de quatre jours sur un mois. De plus, rien ne démontre que ce planning de travail est identique à celui des autres salariés.

Durant la période du 1er janvier au 31 décembre 2010, il s’était engagé à exercer son activité dans un secteur déterminé, attribué par la société Languedoc Géothermie

Pas commenté par la Cour car l'autoentrepreneur n'avait pas ratifié le document fixant la localisation

Ses objectifs pour 2010 étaient fixés, à savoir 10 devis par mois et 3,5 ventes, soit un total de chiffre d’affaires de 539 000 euros

Il n’est justifié d’aucun contrôle sur les objectifs ni de sanction prise pour non-respect des objectifs

Il devait passer les ventes selon une procédure déterminée

M. M... n'a pas été obligé de modifier ses méthodes de travail en se mettant sous l’autorité du directeur commercial

Il apparaissait dans les listings de la société sous la dénomination de commercial

Cela ne démontre pas qu'il exécutait son travail sous l’autorité d’un représentant de la société Languedoc Géothermie, qui aurait eu le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné

Il participait aux repas de fête et aux formations proposées par la société

Cela ne démontre pas qu'il exécutait son travail sous l’autorité d’un représentant de la société Languedoc Géothermie, qui aurait eu le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné

Il devait se rendre sur des foires et salons

Il indique refuser de se rendre à la foire exposition le vendredi 15 : la société a accepté qu'il ne vienne pas, et rien ne fait état d’une directive précise d’un employeur vis-à-vis de son salarié. Cela démontre au contraire que M. M... gérait son emploi du temps. D'ailleurs, refuser de se rendre à des foires n'est pas possible pour un simple salarié sous peine de sanction disciplinaire

Il devait se rendre en clientèle avec la société

Le fait de participer ponctuellement à des réunions chez un de ses clients ne démontre aucun lien de subordination

Il bénéficiait d’une bannette dans l’entreprise et d'un badge qui lui permettait d’accéder aux bâtiments

Cela ne démontre pas que M. M... ne bénéficiait pas de moyens de travail propres

M. M..., alors qu’il présentait en 2009 un chiffre d’affaires avec la société Languedoc Géothermie de 18.786 €, pour un chiffre d’affaires de 13.123 € pour ses autres clients, a basculé en 2010 sur un chiffre d’affaires de 32.000 € pour 1.558,68 € avec ses autres clients

Cela résulte d’un choix personnel de celui-ci et ne démontre aucun lien de subordination (autrement dit, la dépendance économique est choisie et non subie). M. M... ne démontre pas que ce n’est pas volontairement qu’il a privilégié la relation commerciale qu’il entretenait avec la société Languedoc Géothermie au détriment de ses autres clients

 

M. M... exerçait en qualité d’auto-entrepreneur au moment de sa relation avec la société Languedoc Géothermie : les auto-entrepreneurs sont par définition des travailleurs indépendants qui ont une activité indépendante se caractérisant essentiellement par le fait que son auteur a pris librement l’initiative de la créer et qu’il conserve, pour son exercice, la maîtrise des tâches à effectuer et du matériel nécessaire, ainsi que la recherche de la clientèle et des fournisseurs ; que le statut de l’auto-entrepreneur n’empêche pas d’avoir plusieurs clients


Les impacts de cette jurisprudence ?

C'est assurément un arrêt qui fera date car il bat en brèche certains a priori.

Le débat bat en effet son plein sur la requalification : voir notre page récapitulative des arrêts depuis 10 ans.

Dans le cadre très particulier de l'économie de plateformes, cet arrêt vient préciser plusieurs points notoires : un emploi du temps contraint, une dépendance économique et le respect d'une procédure stricte ne sont pas suffisants pour requalifier en salarié...

La réflexion à venir : comment mieux border le recours à des travailleurs indépendants via un contrat de travail non salarié ?


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