fbpx LA FNAE se positionne contre la fraude | FNAE
image/svg+xml

La fraude sociale ou l’art de se tirer une balle dans le pied

Sommaire

Le 30 mai 2023, le ministre des comptes publics Gabriel Attal a dévoilé le volet social du plan de lutte contre toutes les fraudes (fiscales et douanières, sociales). Au menu figuraient des contrôles renforcés ainsi que la possibilité de croiser les fichiers des caisses de Sécurité sociale et des comptes bancaires. Cette démarche s’inscrit dans une vaste campagne antifraude dont le fer de lance est la facturation électronique, déjà en marche. 

Mais ne nous y trompons pas : la lutte contre la fraude n’est pas qu’une bataille de l’administration pour renflouer ses caisses ! C’est aussi, avant tout, le moyen de garantir le versement des cotisations sociales qui sont à la base de vos droits.

Parce que frauder, c’est peut-être « gagner de l’argent » au moment présent, mais c’est surtout hypothéquer son avenir, la FNAE s’engage dans une démarche destinée à assurer vos droits présents et à venir.

La fraude à l'œuvre : un nouveau délit "promotion de la fraude" fiscale et sociale 

L'actualité est venue le 18 septembre 2023 montrer l'un des visages de la fraude, en l'occurrence sociale. Au point d'infléchir le projet de loi de finances 2024 présenté quelques jours plus tard en Conseil des ministres !

Un youtubeur se vente de toucher 1800 euros par mois, sans rien faire

L'affaire est liée à un youtubeur baptisé Mertel, qui a publié le 18 septembre 2023 sur YouTube une vidéo où il se vantait de toucher 1 800 euros nets par mois sans rien faire, grâce à diverses allocations, dont une pour un handicap (invisible, psychique ?) obtenu grâce à un certificat médical de complaisance. Il proposait à ses followers de leur dévoiler, moyennant finances (300 euros), les ficelles pour frauder l’AAH (Allocation aux adultes handicapés). 

Cet éloge sans vergogne de la fraude aux aides sociales a eu plusieurs conséquences immédiates : un buzz sur la toile certes et le déclenchement immédiat d’un contrôle CNAF par la ministre des Solidarités et des Familles de France.

Vers un nouveau délit "promotion de la fraude" dans le prochain projet de loi de finances de la sécurité sociale ?

Même si le compte du Youtubeur et son profil X ont été fermés dès le lendemain, même si le jeune homme a été hospitalisé dans la foulée, même si son avocat évoque des troubles d’ordre psychologique et familial, l’affaire va certainement laisser des traces : le ministre des comptes publics, Thomas Cazenave, a annoncé que figurerait dans le projet de PLFSS un nouveau délit : "promotion de la fraude" fiscale et sociale.

Fraude : état des lieux

Le rapport de la Cour des comptes publié en 2019 sur la lutte contre les fraudes aux prestations sociales reprend une estimation faite par l’agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) pour 2018 qui évalue entre 6,8 Md€ et 8,4 Md€ la fraude aux prélèvements sociaux. Énorme certes… mais néanmoins sous-estimé d’après les diverses études menées sur le sujet depuis des années… et bien inférieur à la fraude fiscale ! 

À noter cependant que les moyens techniques mis en place par Bercy, tout particulièrement l’utilisation de l’intelligence artificielle, assurent une efficacité croissante dans le croisement d’informations et la détection de fraudes potentielles. 

À noter aussi que l’Observatoire des non-recours aux droits et services (ODENORE) estime que la part des non-recours (personnes qui ne bénéficient pas de prestations sociales auxquelles elles ont droit) serait largement supérieure au montant des fraudes… 

Plus d’un milliard d’euros en moins en 2021

Un rapport publié le 10 novembre 2022 par le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), qui assure une fonction d’observatoire du travail dissimulé, pointe que la fraude aux cotisations sociales, par non-déclaration ou sous-déclaration, est très présente chez les microentrepreneurs et tout particulièrement dans le secteur de la construction et des plateformes en ligne

Pour 2021, le HCFIPS situe la part des cotisations sociales qui auraient échappé au paiement entre 17 et 26 % des cotisations réellement dues par les autoentrepreneurs. Ce qui représente une perte estimée entre 1 milliard et 1,5 milliard d’euros

La fraude opérée par les utilisateurs de plateformes est quant à elle estimée à 43 % en moyenne. Un chiffre qui atteindrait même 62 % chez les VTC et 58 % chez les livreurs.

Le plan de lutte du gouvernement

Le volet social du plan de lutte contre la fraude a été annoncé le 30 mai 2023, avec un coup de projecteur sur la population des microentrepreneurs, dont la sous-déclaration de chiffre d’affaires est estimée à 800 M€ chaque année.

Le PLFSS (Projet de loi de financement de la Sécurité sociale) met en œuvre des mesures dont trois qui ciblent les plateformes de mise en relation et les indépendants qui travaillent avec elles : 

  • ouverture dès 2024 d’un guichet de régularisation amiable des dettes sociales sans pénalité sur l’initiative de l’Urssaf (via le croisement de données fiscales et sociales) ou du microentrepreneur ; 
  • obligation dès 2026 pour les plateformes de déclarer le chiffre d’affaires des microentrepreneurs aux Urssaf ;
  • précompte (ou retenue à la source) d’ici 2027 des cotisations sociales des micro-entrepreneurs par les plateformes.

Un bilan du plan de lutte contre les fraudes sociales, fiscales et douanières a été publié en mars 2024, qui liste l'état d'avancement de chaque mesure. 

La fraude et ses conséquences sociales

Au-delà des pénalités financières coûteuses appliquées en cas de retard, d’oubli de déclaration ou de redressement, la fraude est d’un point de vue social une atteinte au principe de solidarité, fondement de notre système social depuis 1945. 

D’après la Cour des comptes, les cotisations sociales représentent plus de la moitié des ressources de la protection sociale en France. 

Travail dissimulé et concurrence déloyale

La fraude aux cotisations minore, voire supprime, les droits sociaux des travailleurs. Elle fait le lit du travail dissimulé et de l’exploitation. Elle constitue en outre une atteinte à la loyauté de la concurrence

Les conséquences professionnelles et personnelles

Réduire, voire occulter, ses revenus met en péril votre couverture sociale et peut s’avérer, à moyen et à long terme, très dommageable par exemple si vous avez un accident ou lorsque vous serez à la retraite. Les revenus servent en effet de base au calcul à de nombreuses prestations et aides sociales :

Les revenus servent aussi de base dans d’autres domaines, par exemple pour :

  • obtenir un prêt bancaire, personnel ou professionnel ; 
  • louer un bien immobilier.

Quels leviers pour réduire la fraude ?

La facturation électronique contre la fraude

La facturation électronique est l’un des grands outils de la politique gouvernementale pour lutter contre la fraude. 

Le calendrier pour les autoentrepreneurs

La réforme de la facturation électronique avance, lentement mais sûrement, pour les microentrepreneurs : initialement prévue à l’horizon de juillet 2024 pour la réception des factures électroniques émises par les grandes entreprises et au 1er janvier 2026 pour l’émission de factures sous format dématérialisé ou la télétransmission des données d’encaissement pour les entreprises travaillant avec des particuliers et les professions libérales (e-reporting)... elle a été reportée au 1er septembre 2027 pour les micro entreprises.

L'application de gestion de la FNAE proposera la facturation électronique à compter de 2025. En effet, l’utilisation d’un logiciel adapté pour la facturation et la transmission sera une aide essentielle pour les microentreprises, cette fonctionnalité sera opérationnelle sur l'application de la Fédération dès 2025.

Plateformes : de la tierce déclaration (et du tiers paiement) des prélèvements sociaux

La sous-déclaration sociale est très présente dans le secteur des plateformes, particulièrement exposé à une faible protection sociale pour ses travailleurs indépendants.

Une obligation déclarative depuis 2018

La loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude a imposé aux plateformes d’adresser à l’administration fiscale, au plus tard le 31 janvier de chaque année, un décompte des opérations réalisées et des montants bruts perçus (chiffre d’affaires). Ce qui met en évidence le différentiel entre les montants déclarés par les plateformes et par les travailleurs de plateforme. Ce système est cependant très imparfait et rend souvent impossible le rapprochement des données par l’Urssaf.

Prélèvement à la source pour les plateformes

Le rapport Réguler les plateformes numériques de travail par Jean-Yves Frouin (magistrat, ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation) en date du 1er décembre 2020 évoquait alors la possibilité que les plateformes assurent directement « le paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale auprès des organismes de recouvrement concernés ». Concrètement, il s’agirait pour les plateformes d’effectuer les déclarations de chiffre d’affaires des travailleurs indépendants, de payer les cotisations sociales correspondant à ce chiffre d’affaires et de verser au travailleur un revenu net de cotisations sociales. Ceci n'emportant évidemment pas la preuve d'une relation de subordination (les artistes auteurs sont par exemple soumis au même principe de la part des maisons d'édition sans en être considérés comme salariés).

Cette démarche, soutenue par la FNAE et l'Urssaf, a donc trouvé sa place au sein du plan de lutte contre la fraude sociale, mais ne devrait pas être obligatoire d'ici 2027...

 

 

-


Comme 80.000 membres avant moi, je me joins au mouvement
J'adhère à la Fédération dès 12€ / an

Adhérer à la FNAE

Trustpilot