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Nos assises résumées dans Challenges

C'est une victoire pour le mouvement des poussins, après un an de tergiversations et de débats houleux: la réforme sur le nouveau régime des auto-entrepreneurs a été votée mercredi 21 mai en commission mixte paritaire, et elle offre les garanties que le collectif né le 13 avril 2013 sur les réseaux sociaux réclamait.

Qui l'eût cru le 21 août 2013, à l'heure où Sylvia Pinel présentait son projet de loi relatif à l'Artisanat, au Commerce et aux Très petites entreprises? Celui-ci prévoyait de changer radicalement le statut d'auto-entrepreneur, en imposant une limite dans le temps et en laissant planer la menace de diminuer les seuils de chiffres d'affaires au delà desquels les auto-entrepreneurs réintègrent le régime de droit commun et voient donc leurs cotisations sociales augmenter. A l'époque, on comparait le mouvement des poussins à celui des pigeons, en mettant face à face l'échec cinglant du premier et la réussite éclatante du second. Ce n'était qu'une question de temps...

Neuf mois plus tard, les volatiles jaunes se frottent les mains, ou plutôt les pattes: le projet de loi Pinel, qui dans sa version initiale menaçait leur régime, a été totalement réaménagé.

"Nous avons réussi!”, s'est réjouit dans un communiqué officiel Adrien Sergent, fondateur des poussins, et à l’origine de la pétition sur Change.org. “Nous avons sauvé le régime d’auto-entrepreneur." Pour l'occasion, le collectif a même publié un e-mag retraçant l'histoire du mouvement. Dans la continuité des deuxièmes assises de l'auto-entrepreneur qui se tenaient jeudi 22 mai, découvrez en trois points ce qu'il faut retenir de la réforme, ce qu'il reste à améliorer, et le bilan de 5 ans de régime d'auto-entrepreneur.

1. Que prévoit la réforme ?

>> Ce qui ne change pas :

Les plafonds de chiffre d'affaires (au-delà desquels l'auto-entrepreneur doit réintégrer le régime de droit commun) ne sont finalement pas abaissé. Ils restent de 32.600 euros pour les prestations de services et de 82.000 euros pour les activités d'achat/revente.
Le système de taxation reste identique: les cotisations sociales que paye l'auto-entrepreneur sont proportionnelles à son chiffre d'affaires. "C'est simple: on gagne, on paye ; on ne gagne pas, on ne paye pas!", résume Yves Fouchet, Président de l'association CCI Entreprendre en France. L'intérêt? "Le risque de créer une entreprise est moindre", explique Karine Valentin, consultante à l'APCE (Agence Pour la Création d'Entreprise).
Contrairement à ce qu'avait laissé planer Sylvia Pinel, le régime d'auto-entrepreneur reste applicable sans limitation dans le temps.
Aucun nouveau métier n'est exclu du régime, ce que réclamaient les poussins.

>> Ce qui change :

Les commerçants et les artisans auto-entrepreneurs seront désormais obligés de s'immatriculer sur un registre. Une mesure décriée par Grégoire Leclercq, président de la Fnae (Fédération des auto-entrepreneurs): "L'immatriculation n'apportera rien de plus, si ce n'est de la complexification." Laurent Grandguillaume, le député qui a rédigé le rapport, approuve: "J'avais proposé que l'immatriculation ne se fasse qu'au moment où l'auto-entrepreneur réalise du chiffre d'affaires. Sinon on génère des dépenses publiques pour des structures qui ne créent pas de richesses."
Les artisans souhaitant bénéficier du régime seront obligés de suivre un stage de 5 jours préalable à l'installation, payant, ce qui a pour but d'encadrer davantage leur activité.
Les artisans du bâtiment seront contraints d'inscrire sur leurs factures qu'ils sont bien assurés.
Les taux d'imposition continuent d'augmenter, atteignant environ 25% pour les prestations de service, et 14% pour l'achat/revente.
La réforme ouvre la simplification du régime de l'auto-entrepreneur à l'ensemble des entreprises individuelles, en créant un fonctionnement commun aux auto-entrepreneurs et aux micro-entreprises, avec la naissance d'une structure, la CGEI (Confédération Générale des Entreprises Individuelles).

2. Que reste-t-il à améliorer ?

Tout d'abord, sous couvert d'entrepreneuriat, le régime d'auto-entrepreneur dissimule parfois un salariat déguisé, permettant aux employeurs de disposer d'une main d'oeuvre licenciable à tout instant, et moins coûteuse. Cette situation, qui toucherait 2 à 3% des auto-entrepreneurs selon les contrôles de l'URSSAF, ne trouve pas de solution dans la réforme votée le 21 mai.

Ensuite, vient la problématique de la concurrence parfois déloyale que représentent les auto-entrepreneurs dans certains secteurs, comme le bâtiment. C'est en partie pour cette raison que la Fédération française du bâtiment s’oppose à ce que l’Union des auto-entrepreneurs rejoigne le Medef.

Se pose également la question des charges qui ne sont pas déductibles du chiffre d'affaires, et que doit assumer seul l'auto-entrepreneur. Une auto-entrepreneuse à temps plein présente dans la salle lors des Assises de l'auto-entrepreneur s'en est plaint. "Nous payons tous seuls la carte de transport, la facture de téléphone, les frais d'essence. (...) Quand on enlève tout ça, il ne reste pas grand chose! Donc moi je dis qu'il faut avoir les moyens d'être auto-entrepreneur! Tout le monde ne peut pas l'être!"

Enfin, l'auto-entrepreneur a une visibilité réduite sur son avenir: il n'a pas droit au chômage et son droit à la retraite se calcule sous condition de chiffre d'affaires. Pourtant, dans un marché du travail devenu complexe, il arrive que certains jeunes soient contraints d'adopter ce régime pour leur premier emploi, faute de mieux. C'est le cas de Cécile*, jeune diplômée de l'école de commerce ESCP Europe, qui travaille depuis un an dans une start-up, avec ce régime. "Certes cela donne de la liberté car je peux théoriquement partir à tout moment, mais dans les faits, je travaille autant qu'un salarié sans en être un. Je pourrais potentiellement facturer d'autres prestations à d'autres clients, mais je travaille 50 heures par semaine donc je n'ai pas le temps."

Résultat: Cécile est totalement dépendante de son entreprise. "Si d'un coup elle ne fait plus de chiffre, je ne serai plus payée, et si demain je quitte cette entreprise, je n'ai pas de chômage alors que j'y ai travaillé un an." Elle a accepté cette situation après un stage de fin d'études dans cette start-up car elle "aimait trop ce qu'elle faisait", et qu'elle avait le choix entre un CDI payé au smic, ou un régime d'auto-entrepreneur rémunéré bien davantage: 2.667 euros brut par mois, taxé seulement à 7% au lieu de 23% grâce à l'ACCRE, l'aide aux jeunes créateurs et repreneurs d'entreprises, octroyé par Pôle Emploi. Le calcul a été vite fait.

"C'est un vrai contrat moral entre l'entreprise et vous quand vous êtes un salarié déguisé comme moi. Il n'y a rien qui vous protège." Cécile a confiance en ses dirigeants mais elle compte bientôt leur poser un ultimatum pour obtenir le CDI qu'on lui a promis... depuis janvier dernier!

3. Quel est le bilan après 5 ans de régime ?

Conçu en 2008, dans une légère précipitation qui explique le nombre le modifications qui lui ont été apportées depuis, le régime d'auto-entrepreneur représente pour Grégoire Leclercq "un véritable succès (...) parce qu'il a octroyé le droit d'entreprendre simplement pour tous, et ce droit avant n'existait pas."

Les résultats en termes de création d'entreprise sont tangibles. Près d'un million de personnes (974.000 à la fin février 2014 selon les chiffres de l'Acoss) ont adopté ce régime en cinq ans, générant au total 25 milliards de chiffre d'affaires. Sur l'année 2013 seulement, le chiffre d'affaires s'est établi à 6,4 milliards d'euros.

Dans le détail toutefois, ce régime regroupe des situations très diverses. Comme le révèle une enquête menée par l'INSEE en 2010, derrière ce statut un peu particulier, on trouve d'une part des personnes qui y trouvent une activité secondaire à leur activité principale (salariés, étudiants, retraités), et d'autre part ceux dont c'est l'activité principale.

La réussite aussi varie d'un individu à l'autre puisque selon l'Acoss la moitié seulement des auto-entrepreneurs (53%) a déclaré un chiffre d'affaire positif au quatrième trimestre 2013. Parmi eux, "seulement 6,1%, soit environ 56.000 auto-entrepreneurs, ont enregistré un chiffre d'affaire supérieur à 7.500 euros pour le quatrième trimestre 2013, contre un peu plus d'un cinquième (22,2%) qui ont déclaré un chiffre d'affaireq trimestriel de moins de 1.500 euros", selon un communiqué de l'AFP paru le 18 avril.

En moyenne, le chiffre d'affaires trimestriel s'élève à 3.200 euros. "Cela peut paraître très peu mais il faut relativiser: tous les auto-entrepreneurs n'exercent pas cette activité comme occupation principale", rappelle Karine Valentin.

Et Chantal Tisserand, Vice-Présidente déléguée de l'UNAPL (Union Nationale des Professions Libérales) de conclure: "Nous sommes tous conscients que même si le régime s'est amélioré, il reste des choses à changer." En attendant, il faut déjà que la réforme dans son état actuel soit définitivement actée.

Lire l'article sur http://www.challenges.fr/emploi/20140522.CHA4167/pourquoi-les-auto-entre...


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