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Les artisans contre l’auto-entrepreneuriat : Corporatisme ou inquiétude légitime ?

Sommaire

Dans l’enthousiasme général suscité par le régime de l’auto-entrepreneur, la levée de boucliers des artisans détonne.

Concurrence déloyale, légalisation du travail au noir, dévalorisation des métiers de l’artisanat, les arguments ne manquent pas, semble-t-il, pour demander l’exclusion de l’artisanat du champ de création de l’auto-entreprise.

Gros plan sur la fronde contre le régime de l'auto entreprise, ses fondements et ses limites.

Dès 2009, les communiqués de presse de la FFB (Fédération française du Bâtiment) et de l’UPA (Union Professionnelle artisanale (devenue U2P) sont tombés pour demander l’exclusion du régime de l’auto-entrepreneur du secteur de l’artisanat.

L’argumentaire, assez semblable pour les deux structures, s’articule autour des points suivants : une distorsion de concurrence et l’absence de contrôle de qualification professionnelle desquelles découlent l’argument des risques encourus par les consommateurs et de la dégradation de l’image du secteur (pour la FFB).

 

Soyons plus précis :

  1. le régime d’auto-entrepreneur n’oblige pas celui qui le choisit à s’affilier aux chambres de métiers et donc à verser les taxes et redevances liées à cette affiliation. (Immatriculation devenue une obligation depuis 2016) ;
  2. la non-affiliation à ces chambres de métiers dispense l’auto-entrepreneur des formations obligatoires pour les artisans et commerçants. (ce qui n'est plus le cas en 2016, l'auto entrepreneur devant suivre le SPI qui ensuite été supprimé) ;
  3. l’auto-entrepreneur n’est pas assujetti à la TVA. Ses charges sont par ailleurs calculées sur son chiffre d’affaires et non pas sur ses bénéfices.

On voit qu’il y a donc une asymétrie de traitement entre les artisans et les auto-entrepreneurs exerçant une activité artisanale parce qu’ils ne sont pas soumis aux mêmes obligations alors qu’ils travaillent dans le même secteur.

On comprend dès lors l’accusation de concurrence déloyale qui revient si souvent dans la bouche des représentants des artisans et l’inquiétude palpable de ces derniers.

Mais il nous faut aller plus loin, et pour cela, le communiqué de presse de l’UPA se révèle particulièrement précieux. En effet, sur les quatre paragraphes qui le composent, deux disent l’inquiétude de l’UPA… pour les auto-entrepreneurs eux-mêmes ! Nous lisons : « Si ce régime instaure des simplifications fiscales et sociales, il ne garantit en rien un avantage financier pour les auto-entrepreneurs. (…)De même, la franchise de TVA instaurée par le régime n’est pas bénéfique dans toutes les situations, loin s’en faut. (…) » Et plus loin, au sujet de la formation : «L’impossibilité de vérifier réellement la qualification de l’auto-entrepreneur et l’absence d’inscription au Répertoire des métiers sont deux éléments qui contribuent à maintenir l’auto-entrepreneur (…) à l’écart de toute possibilité de conseil, de formation ou d’aide au développement. »

En lisant ces quelques phrases, une question de bon sens s’impose : si le régime de l’auto-entrepreneur n’est pas si profitable que cela, pourquoi les représentants des artisans craignent-ils sa concurrence dite déloyale ? N’estiment-ils pas les artisans capables de choisir ce qui est bon pour eux ? S’opposent-ils à ce nouveau statut par principe, dans une démarche corporatiste, et avec l’idée de profiter de l’occasion pour obtenir une amélioration de leur propre statut ? Et de demander que le principe « pas de revenu = pas de charge » soit généralisé.

On comprend que dans cette période difficile, chacun veille à préserver son activité d’une concurrence malvenue. Mais dans quelle mesure la concurrence effective des nouveaux acteurs que sont les auto-entrepreneurs est-elle réellement déloyale ? En effet, l’argument de la qualification professionnelle met en lumière le paradoxe de l’argumentaire des représentants des artisans. D’un côté, ces derniers estiment avec raison que n’est pas artisan qui veut et que les métiers de l’artisanat exigent une expérience et un apprentissage de longue haleine ; de l’autre, ils s’offusquent de ce que les auto-entrepreneurs ne soient pas soumis à un contrôle de leur qualification. Si c’était le cas, on peut penser que ces derniers constitueraient davantage une menace de concurrence directe.

La question ainsi posée revient à se demander si les artisans qualifiés et reconnus comme tels et les auto-entrepreneurs souhaitant exercer une activité artisanale se situent réellement sur le même segment de marché. D’une part, il s’avère que la majorité des déclarations d’auto-entrepreneurs concernent le secteur du conseil et de l’aide à la personne, et donc peu l’artisanat. D’autre part, la venue des auto-entrepreneurs sur le marché de l’artisanat permet de différencier les activités nécessitant une haute qualification – et devant être rémunérées comme telles - des activités plus simples et donc moins coûteuses. En voulant préserver le secteur de l’arrivée des auto-entrepreneurs, l’objectif des représentants des artisans est peut-être de maintenir une pénurie de main-d’œuvre, pénurie qui permet de garder des prix élevés.

Quoiqu’il en soit, le statut de l’auto-entrepreneur, de par le succès qu’il connaît, a au moins le mérite de montrer combien la lourdeur administrative et le poids des taxes sont un frein à la création d’entreprise et parfois même les causes de la disparition de certaines d’entre elles. En ce sens, un travail de simplification du régime juridique de l’entreprise individuelle et une réflexion sur la généralisation du principe clé « pas de charge=pas de cotisations » seront les bienvenus. En revanche, une exclusion d’un domaine d’activité du régime de l’auto-entrepreneur pourrait donner des idées à d’autres secteurs et compromettre son existence. Et l’équilibre d’un éventuel ajustement du statut sera difficile à trouver : comment garder ce qui fait la spécificité de l’auto-entreprise tout en rassurant les inquiets ?

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